CRAC 40 MEUSE

TVA SOCIALE

Un très bon article d'un certain Gaston LEFRANC
 
A bas la TVA « sociale » et la CSG ! 
Défendons la cotisation sociale !
Acculé par la profondeur de la crise, le gouvernement n’a pas d’autre choix que de faire passer
l’équivalent d’un nouveau plan de rigueur avant même l’élection présidentielle. Mais pour essayer
d’en désamorcer les effets, il s’efforce de le présenter sous une forme particulièrement trompeuse
parlant de la mise en place d’une TVA qui serait « sociale » ! En réalité, cette mesure, comme les
autres prises par ce gouvernement au service du MEDEF, est anti-sociale. En effet, elle conduira
à une baisse du pouvoir d’achat des travailleurs (sauf si ceux-ci parviennent à imposer aux chefs
syndicaux une offensive centralisée et bien préparée pour obtenir une hausse générale des
salaires) et à une fiscalisation accrue de la Sécurité Sociale, fragilisant un peu plus cet acquis
historique du prolétariat. Mais le pouvoir cherche à persuader les travailleurs avec deux
arguments : d’une part, la mesure ne leur ferait rien perdre ; d’autre part, elle serait
avantageuse aux entreprises françaises par rapport aux entreprises étrangères et donc aux
travailleurs des entreprises françaises. La logique politique est clair : essayer de persuader les
travailleurs que leurs intérêts convergent avec ceux des patrons français et s’opposent à ceux des
étrangers. Cependant, cette mesure, loin de tirer les capitalistes français d’affaire, risque
d'entraîner une réaction dans les autres pays de l'UE et réduire à néant le gain des capitalistes
français.
Quant à Hollande, il se prononce aujourd’hui contre et promet de l’abroger. On peut cependant
douter cette promesse. Tout d’abord, on se souvient que Jospin avait promis avant les élections de
1997 que s’il arrivait au gouvernement, il ne signerait pas l’anti-social traité d’Amsterdam,
imposerait à Renault dont l’État était l’actionnaire de ne pas fermer son usine de Vilvorde, ne
privatiserait pas France Telecom et régulariserait les sans-papiers. Il a ensuite en quelques mois
fait tout le contraire. D’autre part, le propre porte-parole du candidat Hollande, Manuel Valls,
est un chaud partisan de la TVA sociale, qu’il avait encore défendue lors de la primaire socialiste,
sans que Hollande juge nécessaire de dénoncer cette proposition. Ainsi dans une tribune publiée
dans les Échos, « Oui, la TVA sociale est une mesure de gauche »1, Valls expliquait : « Je défends
depuis longtemps le principe d'une TVA protection, mesure qui permettrait de trouver un
antidote aux délocalisations ». Bref, il ne vaut mieux pas compter sur un bulletin de vote pour la
repousser, mais seulement sur la mobilisation des travailleurs. Cependant examinons de plus
près le mécanisme exact de cette prétendue « TVA sociale ».
Qu’est ce que le projet de « TVA sociale » ?
Depuis 2007, Sarkozy réfléchissait à la mise en place de la « TVA sociale ». Le dispositif consiste à
augmenter le taux de TVA pour financer la protection sociale à la place des cotisations sociales
payées par les patrons. L’opération est censée être « neutre » sur les prix des biens des entreprises
produisant en France (la hausse de la TVA étant intégralement compensée par la baisse des
cotisations) et pénaliser les entreprises exportant des biens en France (puisqu’elles seraient
touchées par la hausse de la TVA, mais elles ne bénéficieraient pas des baisses de cotisations). Le
projet est donc censé renforcer la compétitivité des entreprises produisant en France, sans
pénaliser personne en France.
On peut visualiser les effets théoriques de la TVA sociale de la façon suivante :
AVANT LA MISE EN PLACE DE LA TVA SOCIALE
Imaginons deux entreprises (une produisant en France, l’autre à l’étranger) vendant un bien au
même prix. On peut décomposer le prix d’un bien en plusieurs composantes : le coût des moyens
de production utilisés, le salaire net/direct, le salaire indirect (cotisation salariale et cotisation
patronale2) qui financent la Sécurité sociale, et la TVA.
1 http://lecercle.lesechos.fr/presidentielle-2012/221138492/oui-tva-sociale-est-mesure-gauche
2 Qui est une distinction comptable trompeuse puisque l'ensemble des cotisations sont du salaire
indirect/socialisé payé par le patron en sus du salaire direct. Simplement, le salaire brut inclut une partie des
cotisations (les cotisations « salariales ») et si les cotisations salariales augmentent sans que le salaire brut
Entreprise en France :
Prix TTC
Prix HTC TVA
Moyens de
production
Salaire net
Cotisation
salariale
Cotisation
patronale
Profit (marge) TVA
Entreprise hors de France :
Prix TTC
Prix HTC TVA
APRES LA MISE EN PLACE DE LA TVA SOCIALE
Entreprise en France :
La baisse des cotisations sociales patronales compenserait exactement la hausse de la TVA, et le
reste des composantes du prix ne changerait pas : les entreprises sur le sol français continueraient
à vendre au même prix, avec le même profit.
Prix TTC
Prix HTC TVA
Moyens de
production
Salaire net
Cotisation
salariale
Cotisation
patronale
Profit (marge) TVA
Entreprise hors de France :
Prix TTC
Prix HTC TVA
En revanche, les entreprises à l’étranger ne bénéficieraient pas de la baisse des cotisations sociales :
si elles décidaient de maintenir leurs marges, leur prix hors taxe ne changerait pas. En revanche,
puisqu’elles seraient concernées par la hausse de la TVA (comme les entreprises en France), leurs
prix TTC augmenteraient. D’où une perte de compétitivité des entreprises hors de France, d’où un
renforcement des parts de marché des entreprises sur le sol français (et à l'exportation), d’où une
hausse de l’emploi en France.
Même si, au niveau global, on supposait que le niveau des prix ne changeait pas, ce ne serait pas le
cas au niveau « micro » : certaines entreprises subiraient une hausse de la TVA supérieure à la
baisse de cotisations (augmentant donc leurs prix) et inversement pour d'autres. Ainsi, les secteurs
employant beaucoup de smicards (et donc largement exonérés de cotisations) – comme le BTP, la
grande distribution, la restauration - seraient pénalisés et le répercuteraient sur leurs prix.
En outre, si la baisse de cotisations s'appliquait également au secteur public non marchand (non
soumis à la TVA), cela permettrait à l'État de faire des économies. Cela peut également être une
motivation pour le gouvernement, alors que la crise des dettes publiques s'aggrave.
Les conséquences probables du projet de « TVA sociale » :
Plus de profit, moins de salaire !
Dans la réalité, rien ne garantit que les entreprises garderaient leurs prix inchangés. On peut même
être à peu près sûr du contraire. En effet, puisque le prix de leurs concurrentes tendraient à
augmenter, les entreprises de France seraient évidemment tentées d’augmenter également leurs
prix pour augmenter leurs marges sans perdre en compétitivité. Il est totalement utopique de
croire que les capitalistes feraient profiter les travailleurs ou les consommateurs des cadeaux
octroyés par le gouvernement. Puisqu’ils auraient la possibilité d’augmenter leurs prix (et les
entreprises qui ne sont pas soumises à la concurrence étrangère l’auraient encore davantage !), ils
n'augmente, alors le salaire net diminue … d'où l'illusion que les salariés « paient » les cotisations salariales,
alors que les patrons ne paieraient que la partie « patronale » des cotisations.
le feraient ! Et si les salariés ne sont pas en capacité d'obtenir des hausses de salaires qui
compensent cette hausse de prix, alors les capitalistes seront gagnants et les travailleurs perdants3.
Les commentateurs bourgeois le disent d’ailleurs clairement : « L'effet net de la TVA sociale est
donc simple : les entreprises y gagnent »4. En revanche, les travailleurs y perdront : ils ne
bénéficieront probablement pas de hausses de salaires (ou marginalement), mais ils seront par
contre frappés par la hausse des prix (ceux des biens importés à coup sur, et ceux des entreprises
en France de façon quasi-certaine, quoique dans une moindre mesure)5.
Non à la fiscalisation de la Sécurité sociale !
La Sécurité sociale devrait être une institution non étatique où les travailleurs géreraient en
commun la partie socialisée de leur salaire (les cotisations sociales payées par les patrons en sus du
salaire direct individuel perçu par chacun). C’est cette perspective que les gouvernements
bourgeois (de « droite » et de « gauche ») se sont acharnés à combattre en substituant de plus en
plus un financement par l’impôt (transitant par le budget de l'État) au financement par la
cotisation indexé sur le salaire direct (marquant bien ainsi la nature « salariale » de la cotisation).
Avec la complicité des bureaucrates et des réformistes, les gouvernements bourgeois ont toujours
présenté cette opération comme « neutre », la hausse des impôts compensant la baisse des
cotisations. Pourtant, même dans ce cas, cette opération n’est pas neutre :
- le financement par l’impôt fragilise la Sécurité sociale : un impôt peut très bien être
supprimé du jour au lendemain, ou son affectation peut changer, privant ainsi la Sécurité
sociale de ressources. En revanche, la cotisation ne sert qu’à financer la Sécu et ne devrait
pas pouvoir être remise en cause par l'État bourgeois
- le financement par l’impôt répond à un objectif idéologique : signifier que la Sécurité sociale
ne devrait pas être la propriété des travailleurs (financée par la partie socialisée de leur
salaire), mais un organisme étatique financé par des taxes qui n'ont rien à voir avec le
salaire. De façon mystificatrice, les idéologues de la bourgeoisie nous font croire que les
cotisations constituent une « taxe sur le travail »6 (alors qu’il s’agit d’une partie de la
rémunération des travailleurs) pour mieux justifier leur remplacement par des impôts,
jugés plus sympathiques puisque ne taxant pas seulement le travail…
Une revendication simple : augmenter les cotisations sociales payées par les
patrons (sans baisse du salaire direct) pour couvrir les besoins sociaux !
Les directions bureaucratiques des syndicats trahissent une fois de plus les intérêts des travailleurs
et jouent parfaitement leur rôle d’agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier : elles
entretiennent la confusion et sont incapables d’avancer des revendications simples et claires, et de
proposer le moindre plan de mobilisation.
Au lieu de s’opposer clairement au processus de fiscalisation de la Sécurité sociale (et donc d’exiger
le financement intégral de la Sécu par les cotisations sociales), elles montrent qu’elles sont
« ouvertes » à la discussion et se croient obligées de dire qu’il faut une « réforme ».
3 Si le SMIC ne peut pas augmenter moins vite que les prix, certaines allocations ne sont plus indexées sur les
prix. En outre, les salariés au dessus du SMIC n'ont aucune garantie légale que leur salaire augmente au
même rythme que les prix.
4 http://www.lesechos.fr/opinions/chroniques/0201820710101-le-non-dit-de-la-tva-sociale-270165.php
5 Il faut toutefois faire attention à ne pas dire des choses fausses pour combattre le projet de « TVA sociale ».
Ainsi, on entend souvent que les travailleurs perdraient deux fois : une première fois avec la baisse des
cotisations sociales (perte de salaire) et une seconde avec la hausse de la TVA. En fait, le salaire net ne
bougerait pas, de même que la partie socialisée du salaire, puisque la baisse de cotisation patronale serait
strictement compensée par des recettes de TVA qui irait dans les caisses de Sécu. C'est seulement en raison
de la hausse des prix (en supposant que cette hausse excède la hausse des salaires) que les salariés y perdront
et que les capitalistes y gagneront.
6 idem
De façon scandaleuse, la CFDT et l’UNSA demandent encore plus de fiscalisation de la Sécu !
Comme le MEDEF, la CFDT demande le « transfert de certaines charges sociales [reprenant ainsi
le vocabulaire patronale substituant le mot « charges » au mot « cotisations »] sur la CSG », au
nom du fait que cela permettrait « d’élargir l’assiette de la contribution » notamment aux
« revenus financiers »7. C'est une imposture complète ! Augmenter les cotisations sociales, sans
baisse du salaire direct, c’est faire payer à 100% le patronat et à 0% les travailleurs. En revanche,
substituer de la CSG à de la cotisation sociale patronale revient à baisser le salaire global sauf si le
salaire brut augmente du même montant que le surcroît de CSG qui serait prélevé sur le salaire
brut des travailleurs ! C'est seulement si la CSG se substituait aux cotisations salariales (sans baisse
du salaire brut) que les travailleurs pourraient y gagner provisoirement, mais au prix d'un
renforcement du processus de fiscalisation de la Sécurité sociale. Quoi qu'il en soit, ces
« revendications » ne font que semer la confusion, alors que la défense des intérêts des travailleurs
impose de demander simplement la hausse des cotisations payées par les patrons, sans baisse du
salaire direct.
Quant à la direction de la CGT, elle déclare qu’elle est « pour une réforme du financement de la
protection sociale », et elle nous ressort sa proposition de « modulation des cotisations en fonction
de la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée »8. Il faut s’opposer à cette proposition pour
au moins 3 raisons :
- elle s’inscrit dans la propagande bourgeoise qui vise à distendre le lien entre le mode de
financement de la Sécu et le rapport salarial, en rompant le lien entre cotisations et
salaires : en exigeant que l'assiette de la cotisation ne repose plus seulement sur le salaire
direct, mais aussi sur le profit, on fait croire que la cotisation s'assimile à une taxe sur les
profits, et n'aurait donc rien à voir avec du salaire (car une taxe sur les profits … est par
définition une partie du profit, et non une partie du salaire !)
- elle vise à augmenter le prix relatifs des produits des branches les plus capitalistiques par
rapport aux prix des branches les plus gourmandes en main d’œuvre, ce qui n’est
absolument pas le problème des travailleurs !
- elle fait diversion de ce qui devrait constituer l’axe pour mobiliser notre classe :
l’augmentation des cotisations sociales payées par les patrons, et donc de la partie socialisée
du salaire, pour faire payer plus les patrons et satisfaire nos besoins en termes de santé,
retraites, etc. Le problème n'est pas l'assiette sur laquelle est basé le calcul des cotisations,
mais le montant de ces cotisations !
« Sommet social » du 18 janvier :
Les directions syndicales ne doivent pas s'y rendre !
Sarkozy organise un cirque médiatique le 18 janvier : il invite les organisations syndicales à
discuter (pour montrer que c’est un homme ouvert) et à collaborer avec lui, pour l’aider à faire
passer ses mesures contre les travailleurs dès février (lors d’un collectif budgétaire), notamment la
TVA « sociale », la hausse de la CSG, etc. Toute direction syndicale qui défendrait les intérêts des
travailleurs devrait évidemment dénoncer cette opération et préparer dès maintenant la
mobilisation pour le retrait du plan Sarkozy contre la Sécurité sociale.
Il est juste de combattre contre la participation des confédérations au sommet social. Dès
maintenant, il faut œuvrer au rassemblement des militants lutte de classe dans les syndicats pour
imposer la rupture du dialogue social avec le gouvernement, et exiger la mise en place d'un
véritable plan de mobilisation contre les mesures scélérates du gouvernement.
Gaston Lefranc
7 http://www.humanite.fr/social-eco/la-cfdt-contre-la-tva-sociale-486950
8 Également mis en avant par tout le spectre réformiste : PCF, Attac, etc.


19/01/2012
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